Allons ! Des nouvelles de L’Église mobilisatrice d’Afrique
Bon et fidèle serviteur
À la recherche du mot juste pour décrire un petit homme impliqué dans un énorme travail dans une ville pauvre appelée Yagma, dans un pays d’Afrique de l’Ouest riche en espoir appelé le Burkina Faso, nous avons retenu des mots tels que : dynamique, entrepreneur, enthousiaste, dirigeant. Mais aucun de ces mots n’exprimaient réellement l’essentiel de son caractère, jusqu’à ce que nous sommes tombés sur le mot « fidèle », parce qu’il était simplement fidèle dans tout ce qu’il entreprenait. Alors « fidèle serviteur » résume bien son épitaphe.
Pour comprendre Ablasse Nana, il faut comprendre où il était en 2009. Il avait le début de la trentaine lorsqu’il a déménagé avec sa femme et sa jeune fille de leur village de brousse à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Auparavant, il était fruiticulteur ; maintenant, il vendait des fruits. Il avait fait la transition. Et soudain, en un seul jour, les inondations ont frappé, détruisant sa maison, son existence, son gagne-pain. Il avait cette qualité qui lui permettait de se ressaisir, se relever et continuer. Il se retrouva donc à 16 km au Nord-Ouest de Ouagadougou avec une parcelle de terrain, trente sacs de ciment et une petite subvention du gouvernement, une fois de plus obligé à faire un nouveau départ.
Il a construit sa maison et un magasin et a trouvé du travail sur un chantier pour construire un bâtiment de l’église affiliée à SIM à Yagma, une nouvelle ville de réfugiés. En 2011, le bâtiment terminé et lorsque je suis arrivé en tant que co-pasteur de l’église et évangéliste, Ablasse est devenu mon traducteur. Il avait le désir d’apprendre. Alors que nous étions assis dans les cafés en cabane de tôle, il expliquait dans des termes très simples qui Jésus-Christ était. Sa manière n’était ni bruyante, ni démonstrative. Il arrivait , tout simplement, et expliquait l’Évangile à mes côtés.
Pourtant, dans cette simplicité, il était un stratège. Quand les ONGs sont arrivées sur les lieux, il a été le premier à proposer son aide pour éduquer les femmes dans les soins de santé, ou à siéger au conseil pour décider des priorités de la ville nouvellement formée, qu’il s’agisse d’une force de police, d’une route goudronnée, ou d’une collecte de déchets. Il a connecté l’église à la ville, la ville aux ONGs, et moi à la culture et aux gens. Prenons par exemple le tournoi de foot en 2012. À peine l’avais-je interrogé à ce sujet qu’il avait organisé dix équipes semiprofessionnelles, un évènement sur un weekend, des prix et une occasion de prêcher l’Évangile.
Ou prenons le club biblique pendant les vacances scolaires en 2012 : deux équipes, dont une de l’étranger, deux semaines de jeux, de quiz et d’enseignement sur Genèse 1-11. Ablasse a vu l’opportunité et durant les quatre années qui ont suivi jusqu’à sa mort, pratiquement tous les jeudis après-midi, il a rencontré et dirigé fidèlement un groupe de jeunes dans la cour de récréation sablonneuse d’une école, expliquant la Parole en parcourant les pages d’une Bible imagée avant de taper dans le ballon avec les jeunes.
Mais c’est au travers de nos rencontres avec l’ancien du village, Yusuf, qu’il a, je pense, le plus grandi. La fille de Yusuf était malade, alors il l’a amenée auprès d’Ablasse et de moi. Nous avons prié et parlé avec Yusuf. Cela a conduit à trois ans d’étude de la Bible. Deux fois par semaine, Ablasse s’asseyait avec Yusuf et moi, et traduisait mon français chancelant dans la langue moré de Yusuf. En plus de traduire les enseignements bibliques chronologiques que nous suivions, Ablasse prenait lui-même des notes, désireux d’apprendre en même temps qu’il servait.
Si vous deviez rencontrer Ablasse, vous ne verriez pas un homme fier, bien qu’il ait toutes les raisons de l’être. Vous rencontreriez un homme avec un sourire que vous ne pourriez manquer, car il dominait sur son visage, un homme qui, malgré la perte de son jeune fils dans un accident de noyade, malgré la perte de sa maison dans les flots, malgré le fait de ne manger qu’un seul repas par jour pour que ses enfants puissent en manger trois, lisait sa Bible, priait et mettait sa confiance en son Seigneur.
Mon désir naturel est de présenter Ablasse comme un prophète vivant, un enseignant de centaines de personnes, un orateur enthousiaste, un organisateur de masses. Mais en réalité, il ne l’était pas. Il était simplement fidèle. Et dans son cheminement, les empreintes qu’il a laissées dans le sable ont été fixées dans l’éternité.
Il y a maintenant à Yagma une église qui doit ses années de fondation à l’assiduité et à la traduction fidèle d’Ablasse. Il y a un ancien du village converti, Yusuf, qui doit sa conversion à l’amitié et à l’enseignement fidèle d’Ablasse. Il y a quatre années valeureuses de jeunes gens qui connaissent les histoires de la Bible et l’amour d’au moins un disciple de Christ qui ne les a pas ignorés, ni réprimandés, mais qui leur a enseigné Jésus et a tapé dans le ballon avec eux l’après-midi.
Plutôt qu’un marathon, Ablasse a couru une course d’obstacles. Oui, elle est maintenant achevée, et je ne peux que penser au sourire de mon meilleur ami lorsqu’il est entré dans la présence de son Seigneur et a entendu les mots pour lesquels il a vécu : « Bien fait, bon et fidèle serviteur ».
Ablasse Nana est décédé de la fièvre dengue à Yagma en décembre 2016. Il avait trente-neuf ans et laisse derrière lui une femme, Azetta, une fille de quatorze ans, Aida, une fille de trois ans, Elisabeth et une fille de deux ans, Esther. Priez pour cette famille qui a perdu une source de revenu, un mari, un père. Qui remplacera Ablasse Nana ?
(1) Il a connecté l’église à la ville, la ville aux ONGs, et moi à la culture et aux gens.
(2) Il avait cette qualité qui lui permettait de se ressaisir, se relever et continuer.
(3) Il était simplement fidèle. Et dans son cheminement, les empreintes qu’il a laissées dans le sable ont été fixées dans l’éternité.