Les femmes fortes et résistantes d’Afrique de L’Ouest
Un hommage pour la Journée des femmes, qui a eu lieu le 8 mars 2016
Penny travaille dans un établissement où les leaders et les formateurs africains francophones se préparent pour les missions en Afrique de l’Ouest. Elle est aussi directrice d’une école biblique en pleine croissance qui forme les responsables des églises locales. Dans le contexte de la Journée internationale des femmes, j’ai demandé à Penny de nous parler de l’adversité qu’affrontent les femmes ouest-africaines, surtout celles impliquées dans le leadership chrétien.
Quelles sont les diffcultés spécifques que les femmes ouest-africaines doivent surmonter?
Les demandes imposées aux femmes occidentales d’être de « super-mamans » ne pèsent pas lourd face aux exigences infigées aux femmes ouest-africaines ! Le scénario culturel et traditionnel écrit pour elles met en scène des obstacles majeurs qui défavorisent leur chance de succès.
La première barrière à franchir pour ces femmes est celle liée à l’éducation. Beaucoup de familles n’envoient pas leurs flles à l’école, croyant que cela ne vaut pas la peine. Malheureusement, il arrive souvent que les flles laissent tomber leurs études dès l’école primaire parce que leur famille préfère qu’elles travaillent à la maison ou se préparent pour un mariage précoce. Une fois mariées, les femmes sont obligées de jongler avec plusieurs responsabilités : s’occuper d’un mari et des enfants en même temps que gérer un petit commerce pour subvenir aux besoins de la famille.
Il est rare qu’une femme ouest-africaine ne se marie pas. Je n’ai connu qu’une femme, une responsable chrétienne, qui était encore célibataire dans la trentaine. Très compétente et bien formée, elle a néanmoins fait face à l’opposition de l’église et a subi de la discrimination. En général, les normes culturelles empêchent que les femmes assument un rôle de leader dans leur communauté. Il y a pourtant un petit pourcentage de femmes qui arrivent au plus haut niveau de l’administration publique, ainsi que quelques-unes qui sont médecins généralistes et spécialisés, juges, candidates présidentielles, et ministres.
À votre avis, comment ces problèmes débordent-ils sur votre travail et vos efforts de préparer les femmes d’exercer un ministère ?
Je vois que le faible niveau d’éducation et les rôles familiaux traditionnels, font obstacle de différentes manières à ma tache d’enseignante de formateurs et de leaders missionnaires. Beaucoup de femmes compétentes postulent à notre école. Et parfois il nous est demandé de faire preuve de fexibilité avec ces candidates qui n’ont pas toujours le niveau de scolarité requis. Dans nos internats, nous luttons contre la tendance de se décharger des tâches ménagères et de la préparation des repas sur les femmes dont les emplois de temps sont aussi chargés que ceux des hommes. Ces étudiantes habitent loin de leur famille, sans ce soutien traditionnel pour prendre soin des enfants. Beaucoup de femmes trouvent diffcile de se concentrer sur leurs études sauf si le mari paie pour faire garder les enfants.
À notre école biblique du soir, la plupart des jeunes femmes comme les étudiantes universitaires ont dû abandonner leurs études lorsqu’elles se sont mariées ou ont eu des enfants. L’idée qu’une femme peut « laisser les enfants avec leur père » ou demander au mari de préparer son propre repas deux fois par semaine est presque inimaginable. Pourquoi est-il important d’investir dans la formation théologique et missiologique des femmes ouest-africaines ? Les églises en Afrique de l’Ouest envoient souvent des couples pour faire l’implantation d’église dans un contexte interculturel. Souvent, pourtant, ni le mari ni la femme n’a reçu la préparation nécessaire pour comprendre les différences culturelles. Il peut en résulter un ministère ineffcace, des erreurs entrainant de graves conséquences à long terme.
Les femmes de pasteurs et de missionnaires ici ont automatiquement la responsabilité d’évangéliser les femmes et de les aider à grandir dans la foi. La plupart du temps, pourtant, elles manquent de formation nécessaire pour ce rôle. Les âmes des femmes méritent d’être bien nourries, comme celles des hommes. Il va donc de soi que les femmes leaders doivent acquérir de bonnes compétences dans le ministère et l’interprétation biblique. On voit que dans la jeune génération, les femmes s’impliquent de plus en plus dans l’enseignement des enfants et dans le ministère auprès des jeunes. Leur éducation est donc fondamentale pour assurer une compréhension solide de la Bonne Nouvelle et sa transmission aux futures générations.
Y a-t-il des qualités que vous admirez qui caractérisent les femmes chrétiennes en Afrique de l’Ouest ?
Les femmes ouest-africaines sont vraiment fortes ! Malgré un environnement où de nombreux obstacles rendent leur succès extrêmement diffcile, elles ne se laissant pas aller au désespoir mais réussissent malgré des conditions très défavorables.
Ruth illustre bien cette détermination inébranlable. Pendant plusieurs années elle travaillait pour moi comme employée de maison. Elle se réveillait chaque matin à quatre heures pour aller chercher de l’eau pour sa famille avant de commencer son travail. Elle suivait les cours l’après-midi, ayant commencé au niveau primaire et a continué jusqu’aux études supérieures pour être diplômée en enseignement primaire. Après les cours, elle rentrait s’occuper de sa famille et faire le ménage. Le soir, elle faisait ses devoirs à l’aide d’une lampe à pile après avoir couché les enfants. Sa diligence a été récompensée lorsqu’elle a obtenu un poste gouvernemental très recherché comme enseignante. Maintenant Ruth enseigne dans un village isolé sans eau courante ni électricité et ne voit sa famille que tous les quinze jours. Malgré tout, je me réjouis avec elle qu’elle ait mis le pied sur le premier barreau de l’échelle. Selon ses propres mots, elle a l’occasion de « briller pour Jésus » dans un village sans église.